La commission de réflexion sur la souffrance au travail a rendu récemment son rapport qui rappelle l’impact de l’organisation du travail et du management sur le stress des salariés, en identifie certaines causes et dresse une liste d’une trentaine de recommandations pour faire évoluer la situation.
En octobre, une commission de réflexion sur la souffrance au travail a été mise sur pied pour réfléchir aux bonnes pratiques à recommander aux entreprises pour parvenir à « travailler mieux » et à prévenir les facteurs de risques psychosociaux et le stress professionnel.
Les membres de la commission : de nombreux députés, des médecins du travail, des psychiatres et psychologues, des sociologues, mais aussi des chefs d’entreprise et des personnalités de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) ont formulé dans un rapport une trentaine de propositions, suivant 4 axes prioritaires d’action : “rétablir le dialogue”, “la formation”, “la promotion des bonnes pratiques”, “une meilleure organisation des services de santé au travail”.
Dans les premières pages de son rapport, la commission explique bien ne pas vouloir opposer chefs d’entreprise et salariés ni même vouloir exprimer l’idée que le travail est synonyme de souffrance. Elle met en revanche en lumière de nombreux résultats d’enquêtes et d’études qui illustrent la notion de souffrances en partie ou totalement liées au travail.
Ainsi, d’après un sondage OpinionWay datant d’octobre 2009, 53% des salariés indiqueraient éprouver du stress au travail. D’après des données de l’Institut de Veille Sanitaire (InVS), environ un quart des hommes (24%) et plus d’un tiers des femmes (37%) souffriraient de troubles psychologiques liés à leur travail. Par ailleurs, le Rapport 2008 de l’Eurogip (un groupement d’intérêt public de la Sécurité sociale française) indique que 80% des maladies professionnelles ne sont pas reconnues comme telles.
« La situation est d’autant plus préoccupante que le nombre de cas de souffrance liés au travail est très probablement sous-estimé », ajoutent les membres de la commission dans le rapport. Une situation qui en outre semble concerner toutes les entreprises, peu importe leur taille et leur secteur d’activité, et tous les profils d’actifs : salariés, cadres, managers, dirigeants.
2. Les causes de la souffrance au travail
Dans leur rapport, les membres de la commission identifient les causes de la souffrance liée au travail.
Ils mettent d’abord en cause les nouvelles organisations du travail : son individualisation et son intensification notamment, avec le risque « d’imputer au seul salarié la responsabilité de sa propre réussite, avec elle la pression qui l’accompagne » et de le placer dans une situation de souffrance éthique. Toujours contraint au travail dans l’urgence (intensification), le salarié est mis dans une situation qui ne laisse pas la place à l’erreur (il n’a pas de délais pour revenir sur une tâche déjà effectuée) et devient vite dépassé : « faire toujours plus avec toujours moins de temps ».
L’impact des nouvelles technologies est également considéré (sans toutefois nier leur intérêt). Sensées favoriser les échanges, elles contribueraient plutôt à les limiter d’après le rapport sur la souffrance au travail. Ainsi on s’écrirait sans plus se parler, au détriment des interactions indispensables au bon fonctionnement de l’entreprise (travail en équipe). Pire, la possibilité d’un contrôle des tâches ou d’un suivi en temps réel fait passer de la culture de l’urgence à celle de l’immédiateté, augmentant le risque de stress et aboutissant à quelques dérives : « les nouvelles technologies utilisées comme instruments de « contrôle qualité » s’attachent en réalité davantage au contrôle de la tâche effectuée qu’à la qualité du travail produit ». Autre risque, avec les nouvelles technologies, le travail s’invite dans des moment normalement réservés à la vie privée : e-mails professionnels tard le soir, traitement de dossier le week-end à distance…
La commission de réflexion sur la souffrance au travail met également en avant un management inadapté et démuni : « L’employé contemporain doit (…) travailler avec motivation, (…) on ne lui demande pas de faire son travail, mais de faire plus, de faire mieux…et avec le sourire » relève le rapport qui dénonce une recherche de la « surperformance » et pointe enfin un « système de santé partiellement inadapté ».
3. Recommandations de la commission sur la souffrance au travail
Voici quelques-unes des recommandations que formule le rapport de la commission de réflexion sur la souffrance au travail.
Rétablir le dialogue
Pour y parvenir, la commission propose une série de recommandations destinées à réhumaniser le monde du travail (faire confiance aux employés et les respecter dans leur identité professionnelle, impliquer les salariés dans la définition de leurs objectifs…), à valoriser le collectif (faire partager aux salariés la stratégie de l’entreprise, réhabiliter la notion d’équipe) et à renforcer le rôle du CHSCT : le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (meilleure organisation pour plus de légitimité, nouveaux moyens d’action…)
La formation
D’après la commission, la problématique de la formation est à envisager pour tous les acteurs de l’entreprise.
Concernant les salariés, le rapport recommande de rendre la formation accessible tout au long de la carrière et de consacrer une partie du DIF aux technologies de l’information et de la communication.
Pour les dirigeants et les managers, il préconise d’intégrer les problématiques de la
santé et du bien être au travail à leur formation initiale et envisage la création d’un label pour les formations qui le feront effectivement.
Promotion des bonnes pratiques
Au sein des entreprises il s’agit de changer concrètement le quotidien au travail (promouvoir les études de faisabilité humaine, agir sur l’environnement immédiat de travail des employés…). Mais il s’agit aussi de diffuser largement les boîtes à outils et les protocoles pour les aider à y parvenir (chartes auxquelles les chefs d’entreprises peuvent se référer par exemple), et de valoriser les bonnes pratiques par la mise en place par exemple d’un système de « certification “santé et qualité de vie au travail” sur le modèle des certifications ISO » ou en sanctionnant au contraire les écarts de certains managers ou certaines entreprises.
Meilleure organisation des services de santé au travail
Dans cette partie de leurs recommandations, les membres de la commission de réflexion sur la souffrance au travail proposent notamment la création de services régionaux de santé au travail et l’indépendance des médecins du travail pour rompre le lien qui les unit à l’entreprise (ils pourraient ainsi être rémunérés par un fonds de cotisation et non directement par l’entreprise).