Selon une étude menée par des experts avec Pôle Emploi, la pratique du CV anonyme ne générerait pas les effets escomptés en matière de diversité au sein des entreprises.
Selon le rapport, « le CV anonyme pénalise les candidats issus de l’immigration et/ou résidant dans une zone urbaine sensible (ZUS), ou dans une ville en Contrat urbain de cohésion social (CUCS) », estimant, de surcroît, qu’il « ne permet pas de réduire l’écart de chances ».
Ce résultat pour le moins inattendu pourrait s’expliquer par le fait que le CV nominatif permet, contrairement au CV anonyme qui ne lui en donne pas les moyens, au recruteur de faire davantage preuve d’indulgence face aux insuffisances et autres carences (fautes d’orthographe, faible niveau d’étude, faible expérience etc…).
Autant de défauts qui peuvent se justifier « par un accès plus difficile à l’emploi lorsque le candidat réside en ZUS, mais pas lorsque cette information est masquée » explique l’étude. De plus, « une présentation maladroite ou des fautes d’orthographe pourraient être relativisées par le fait qu’il ne s’agit pas de la langue maternelle du candidat ».
2. Pas suffisant ?
Pour Alain Gavand, Président de l’association A Compétence Egale, qui a participé à l’expérimentation du CV anonyme, « il est désormais nécessaire de dépasser le débat « pour ou contre le CV anonyme ».
Réagissant à l’étude réalisée par le Crest (Centre de recherche en économie et statistique), en collaboration avec le Pôle Emploi, et publiée en avril 2011, l’association appelle au déploiement d’un plan ambitieux de promotion de l’égalité des chances :
Selon A Compétence Egale, le CV anonyme est un outil utile…mais pas suffisant : « Selon une étude réalisée en 2009 par A Compétence Egale, la moitié des cabinets adhérents est favorable à l’adoption du CV anonyme. Toutefois, le CV anonyme est l’un des outils de lutte contre les discriminations mais il n’est pas l’outil providentiel. Il doit être associé à un plan d’actions qui inclura notamment un engagement fort de la direction, une formation et une sensibilisation de tous les acteurs de l’entreprise (opérationnels et RH), accompagnés d’audits réguliers sur les procédures de recrutement ».
3. Lutte contre les discriminations ?
Pour A Compétence Egale, le débat sur le CV anonyme a fait évoluer les mentalités et a recentré les critères de sélection sur les compétences : « Le tri des CV est facilité lorsqu’ils sont rendus anonymes dans la mesure où l’absence du nom, du prénom, de l’âge, du genre, de l’adresse, de la situation de famille permet aux recruteurs, sans être exposés à aucun biais même involontaire, de concentrer leur analyse sur des critères professionnels. En ce sens, le recours au CV anonyme s’avère très positif ».
Le CV anonyme est avant tout un outil de lutte contre les discriminations et non un outil de promotion de la diversité : « Cela signifie que lorsqu’une entreprise souhaite mettre en place des actions plus volontaristes et aller au devant de la diversité (que celle-ci soit une diversité de genres, de quartiers, de handicaps ou d’âge…), le CV anonyme peut être un frein. Ces « actions positives » qui, par nature, apportent un traitement différencié en faveur de certains candidats disposant de potentiel mais pas du même parcours que d’autres candidats non discriminés, paraissent en effet difficilement compatibles avec le filtre « égalisateur » du CV anonyme. Or, il paraît aujourd’hui important – pour rétablir l’égalité – de développer plus encore ces actions positives ».
Au-delà du débat sur le CV anonyme, A Compétence Egale déplore « le manque d’outils d’analyse de l’état des discriminations en France. L’association estime qu’il est urgent de lancer une grande enquête nationale pour mieux ajuster les méthodes de lutte contre les discriminations ».
4. Pertinence de l’étude ?
Selon Alain Gavant, « l’étude réalisée par le Crest porte sur un nombre limité de recrutements, de surcroît effectués par des entreprises volontaires et dans un contexte de récession économique et d’aggravation du chômage. Elle donne par conséquent une photographie qui reste insuffisante des discriminations en France. Ainsi, A Compétence Egale propose « que le gouvernement définisse des outils de mesure de la discrimination et organise une étude d’envergure sur les pratiques discriminatoires dans notre pays afin de mieux les contrer : qui sont les victimes ? Quels sont les postes les plus touchés ? Quel est l’impact des actions menées ? A partir de ces résultats, A Compétence Egale souhaite que soit lancé un plan ambitieux de promotion de l’égalité en France en y associant toutes les parties prenantes ».
5. A propos d’A Compétence Egale
Créée en mars 2006, l’association A Compétence Egale a pour vocation de lutter activement contre tout type de discrimination à l’embauche et d’assurer la promotion de l’égalité des chances et de la diversité dans le conseil en recrutement.
Elle rassemble aujourd’hui 46 cabinets de recrutement français qui représentent près de 900 consultants dont Alain Gavand consultants, Altaïde, Alternative Search, Artec Search, Attitudes, Auréane Conseil, Bernard Julhiet Recrutement, Bossman Services, Catherine Fulda accompagnement RH, CCLD recrutement, Circular Search, Diversity conseil, EHC, Elan IT, Ethizeo, Feature DDC, Finepro Search, Forstaff, Futurestep, Hudson, Humanessence, James Partner, Le Cairn4it, Lincoln Associés, Linkeom, Mac Allister, Managing, Manpower Professional, Mediane Conseil, Michael Page International France, MT Partners, Opteaman, Page Personnel, Peopleexpert, People Search, Randstad Search and Selection, RH Performances, Robert Half, Robert Walters, RST Conseil, Sapiance RH, Selexens, Talents First, Taste , Theodore Search, Uptoo.