La France est l’un des pays qui usent le plus de la directive Bolkestein qui permet aux entreprises d’embaucher et de payer des travailleurs selon les normes sociales de leur pays d’origine. Sauf qu’en France 12% de ces effectifs sont constitués par des salariés…français !
La directive européenne Bolkestein est revenue au centre du débat politique français depuis que l’emploi des travailleurs détachés a été invoqué comme une des causes ayant conduit la filière agroalimentaire bretonne à s’effondrer sous la concurrence allemande.
Le BTP, premier utilisateur
Cette règle communautaire permet, rappelons-le, aux entreprises en manque de main d’œuvre de recruter des travailleurs issus de l’Union Européenne en appliquant sur leur rémunération les mêmes conditions sociales qui sont en vigueur dans leur pays. Pour des Etats comme la France, l’Allemagne où même l’Angleterre, où les prélèvements sociaux sont réputés lourds, l’opération peut, en plus d’être pratique, s’avérer très lucrative.
Selon un rapport parlementaire, la France est, en Europe, le deuxième plus gros utilisateur de travailleurs détachés. Dans quels secteurs ? Essentiellement dans les métiers du BTP (le tiers des 200 000 déclarations). Où ? Surtout dans les régions frontalières, dans l’est et le nord de la France, mais aussi dans le sud-est près de l’Italie jusque dans le Var. A l’Ouest, même la Loire Atlantique est cité parmi les départements utilisant le plus la directive Bolkestein ; notamment pour pourvoir en main d’œuvre son secteur industriel.
Dumping social à la maison
Mais le rapport donne une autre information, beaucoup plus étonnante :
12% des travailleurs détachés employés en France sont…des français ! Par quelle opération du Saint-Esprit ? En fait, le procédé est connu depuis plusieurs années et est surtout pratiqué dans les zones proche des frontières : les entreprises invitent des salariés intérimaires à aller s’inscrire dans des agences étrangères qui les renvoient ensuite travailler en France. L’avantage ? Les employeurs français leur applique le système de rémunération en vigueur dans le pays où leur agence d’intérim est installée. Ce n’est rien d’autres que de la délocalisation à l’envers ou du « dumping social à domicile », expressions utilisées par ceux qui souhaitent une modification de la directive Bolkestein.
Rappelons que celle-ci a avait été aménagée en 2006 de manière à contraindre les employeurs à payer ces travailleurs étrangers comme leurs homologues nationaux. Mais la différence perdure au niveau de la fiscalité sociale qui reste celle du pays d’origine ! A la clé, les charges sont donc allégées.
En théorie, un travailleur détaché doit pallier un manque de main d’oeuvre et ne pas rester en poste plus de six mois. La semaine dernière, le gouvernement a annoncé qu’il souhaite renforcer la traque de ceux qui ne respectent pas aujourd’hui ces règles élémentaires.